Le CBD

Publié le 17/07/2023 - Mis à jour le 04/06/2024

Qu’est-ce que le cannabidiol ?

Le cannabidiol (CBD) est l’un des constituants majeurs de la plante de chanvre (Cannabis sativa), autrement appelée cannabis. La plante de cannabis contient une centaine de substances chimiques physiologiquement actives appelées cannabinoïdes. La plus connue est le delta-9-tétrahydrocannabinol (Δ9-THC ou THC) qui présente des effets stupéfiants caractérisés par un risque de dépendance et des effets nocifs pour la santé. D’autres cannabinoïdes ont été inscrits par l’ANSM sur la liste des stupéfiants : le HHC, le HHCO et le HHCP en juin 2023 : Actualité - L’ANSM classe l’hexahydrocannabinol (HHC) et deux de ses dérivés sur la liste des stupéfiants - ANSM (sante.fr). et le H4-CBD, le H2-CBD ainsi que certains cannabinoïdes de synthèse ayant un noyau chimique appelé benzo[c]chromène, comme le HHCPO, le THCP et le THCA en mai 2024 : Actualité - L’ANSM inscrit de nouveaux cannabinoïdes sur la liste des stupéfiants - ANSM (sante.fr)

Quant au cannabidiol (CBD), il n’entraîne pas de dépendance, à la différence du THC. Il a néanmoins des effets psychoactifs, en ce qu’il agit sur le cerveau. Les molécules de CBD, tout comme celles de THC, sont principalement présentes au niveau des fleurs et des feuilles de la plante. La teneur en THC, CBD et autres molécules des fleurs de chanvre dépend des variétés et des conditions de leur culture. Ces molécules peuvent être extraites de la plante de chanvre par différents procédés ou produites synthétiquement.

Certains usages thérapeutiques du cannabidiol ont été étudiés et validés par les autorités sanitaires, conduisant à l’autorisation de la mise sur le marché, de la prescription et de l’administration de médicaments en contenant. En France, un seul médicament a reçu à ce jour une autorisation de mise sur le marché. Dénommé Epidyolex®, il est indiqué en association au clobazam dans le traitement des crises d’épilepsie associées au syndrome de Lennox-Gastaut ou au syndrome de Dravet, chez les patients de 2 ans et plus.

A partir de 2015, le CBD a été largement commercialisé sous différentes formes pour ses effets réels ou supposés dans le champ dit du bien-être. Certains produits que l’on trouve sur le marché - e-liquides pour cigarettes électroniques, produits cosmétiques, denrées alimentaires sous forme d’huiles, de gélules, de bonbons ou de chocolat etc… - incorporent des extraits de chanvre. Il s’agit de CBD pur ou plus souvent d’extraits constitués de plusieurs molécules du chanvre. Des fleurs brutes de chanvre contenant une teneur significative en cannabidiol (CBD) et avec des teneurs variables en delta-9-tétrahydrocannabinol (THC) (en général moins de 0,3%) sont également commercialisées. Ces fleurs, non distinguables à l’œil nu des fleurs à forte concentration en THC, sont le plus souvent fumées. 

Le droit positif applicable au CBD

Les produits contenant du CBD, et plus largement les produits issus du chanvre, sont soumis à plusieurs réglementations. Étant issus de la plante de chanvre classée comme stupéfiant, ils doivent d’abord respecter des conditions fixées par le droit des stupéfiants. Ils sont également soumis aux réglementations spécifiques selon l’usage qui en est fait. Voici une liste non exhaustive de ces réglementations. 

  • Les produits contenant du CBD sont exemptés de l’interdiction générale concernant les stupéfiants, quelle que soit leur présentation, s’ils respectent les conditions fixées par l’arrêté du 30 décembre 2021, pris en application des articles L. 5132-86 et R.5132-86 II du code de la santé publique (CSP) :

    • Ils doivent être issus de variétés de plante :
      • inscrites au catalogue commun des variétés des espèces de plantes agricoles ou au catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées en France,
      • et présentant un taux de THC inférieur ou égal à 0,3 %.
    • Concernant leur culture, seuls des agriculteurs actifs au sens de la réglementation européenne et nationale en vigueur peuvent cultiver des fleurs et des feuilles de chanvre en France. Seules des semences certifiées peuvent être utilisées. La vente de plants et la pratique du bouturage sont interdites. Les cultures n’ont pas à être déclarées auprès d’une autorité, à l’exception des agriculteurs actifs souhaitant bénéficier des aides de la Politique agricole commune (PAC), qui doivent faire une déclaration sur Telepac.
    • Les extraits de chanvre, ainsi que les produits qui les intègrent, doivent avoir une teneur en THC inférieure ou égale à 0,3%.

    Ainsi, certains produits incorporant des extraits de chanvre ainsi que les parties brutes de la plante de chanvre, y compris les fleurs et feuilles, sont autorisés au regard du droit des stupéfiants s’ils respectent les conditions listées ci-dessus. A défaut, ils relèvent de la politique pénale de lutte contre les stupéfiants (les peines encourues sont décrites ici).

    Pour la conduite automobile, voir infra

    Par ailleurs, la présentation des produits ou les publicités en leur faveur ne doivent pas entretenir de confusion ou faire l’amalgame avec une consommation de cannabis à usage récréatif et faire ainsi la promotion du cannabis. Cette pratique est susceptible de constituer l’infraction pénale de provocation à l’usage de stupéfiant prévue et réprimée par l’article L.3421-4 du code de la santé publique.

  • La mise sur le marché des denrées alimentaires est encadrée notamment par :

    • Le règlement (CE) n°178/2002, selon lequel aucune denrée alimentaire ne peut être mise sur le marché si elle est préjudiciable à la santé ou impropre à la consommation humaine.
    • Le règlement (CE) n°315/93 portant établissement de procédures communautaires relatives aux contaminants dans les denrées alimentaires et le règlement (UE) 2023/915 de la Commission concernant les teneurs maximales pour certains contaminants dans les denrées alimentaires. Ce règlement fixe des teneurs maximales exprimées en équivalents de delta-9-tétrahydrocannabinol (Δ9-THC) dans les graines de chanvre et les produits dérivés. Ainsi, la teneur en équivalents de Δ9-THC ne peut pas dépasser 3,0 mg/kg (ou 0,0003 %) dans les graines de chanvre et 7,5 mg/kg (ou 0,00075 %) dans l’huile de graines de chanvre.
      Eu égard aux propriétés psychoactives du Δ9-THC, l’Autorité européenne de sécurité des aliments, l’EFSA, a établi une dose de référence aiguë (ARfD), correspondant à la quantité estimée pouvant être ingérée par le consommateur pendant une courte période sans risque appréciable pour sa santé. Celle-ci est particulièrement basse pour ce contaminant : 1 µg/kg de poids corporel.
    • Le règlement (UE) n°2015/2283 relatif aux nouveaux aliments : les produits pour lesquels il ne peut être établi d’historique de consommation avant 1997 sont soumis à un processus d’évaluation par l’EFSA et à une autorisation préalable à leur mise sur le marché par la Commission européenne.

    Aujourd’hui seules les graines de chanvre et leurs dérivés (huiles de graines de chanvre, farines de graines de chanvre…), ainsi que les feuilles exclusivement destinées à la préparation d’infusion aqueuse, ou les infusions aqueuses de feuilles de chanvre, peuvent être commercialisées car ces denrées ont un historique de consommation. Toutes les autres parties de la plante, de même que le CBD et les autres cannabinoïdes, sont considérés comme n’ayant pas d’historique de consommation (déclaration figurant dans le compte rendu de la Commission européenne du CPVADAAA Novel Food et Toxicologie du 27 février 2023) et doivent donc, avant leur mise sur le marché, être autorisés, après avis ou évaluation par l’EFSA de leur sécurité.

    Plusieurs dossiers concernant des denrées alimentaires à base de CBD ont été déposés par des industriels et sont en cours d’évaluation par l’EFSA mais aucun n’a encore abouti. Dans une déclaration du 7 juin 2022, l'EFSA a identifié plusieurs dangers potentiels liés au CBD et a indiqué ne pas être en mesure de statuer sur la sécurité des produits en contenant, faute de données suffisantes. Des études complémentaires doivent donc encore être menées pour s’assurer de l’innocuité des produits.

    Ainsi, toutes les denrées alimentaires à base de CBD actuellement mises sur le marché en France, et plus largement sur le marché européen, le sont de manière illégale. Elles peuvent par conséquent faire l’objet de mesures de retrait, voire de rappel, en cas d’alerte notifiée par un Etat membre sur le réseau d’alerte rapide de sécurité sanitaire des aliments et des aliments pour animaux (RASFF = Rapid Alert System for Food and Feed). En 2023, de nombreuses alertes UE ont ainsi été adressées à la France et ont pu conduire à des retraits / rappels de produits (https://rappel.conso.gouv.fr).

    Par ailleurs, les denrées alimentaires qui peuvent être commercialisées, car ayant un historique de consommation, doivent :

    • Pour les graines de chanvre et leurs dérivés, respecter les teneurs maximales en équivalents de Δ9-THC fixés par la réglementation ;
    • Pour les feuilles de chanvre utilisées pour fabrication d’infusions aqueuses ou les infusions aqueuses de feuilles de chanvre, avoir une teneur en Δ9-THC telle que la consommation ne conduise pas à exposer le consommateur à une dose de Δ9-THC supérieure à la dose de référence aiguë définie par l’EFSA. Des négociations sont en cours pour définir, dans le règlement (UE) 2023/915, une teneur maximale en équivalents de  9-THC dans ces denrées.
  • Le statut d’aliment pour animaux englobe tous les produits destinés, directement en l’état ou après transformation ou préparation, à l’alimentation animale. La réglementation s’applique à l’alimentation de tous les animaux, y compris les animaux non producteurs de denrées alimentaires comme les chiens et chats.

    Les aliments pour animaux sont encadrés notamment par les règlements (CE) n°178/2002, (CE) n°1831/2003 et (CE) n°767/2009. Un aliment pour animaux ne peut être mis sur le marché ou utilisé que s’il est sûr pour l’animal et, dans le cas d’un animal producteur de denrées alimentaires, s’il ne rend pas dangereuses les denrées issues de cet animal.

    Les discussions techniques au niveau européen concernant la fixation de teneurs maximales en Δ9-THC dans les matières premières pour aliments pour animaux issues du chanvre, telles que les graines de chanvre, l'huile de graines de chanvre, le tourteau de graines de chanvre, les fibres de chanvre et la farine de tiges de chanvre, ainsi que dans les aliments composés pour animaux, sont en cours de finalisation. Ces teneurs maximales seront établies à l'annexe I de la directive 2002/32/CE sur les substances indésirables dans les aliments pour animaux. Leur adoption et leur entrée en vigueur sont prévues pour 2024.

    En outre, le CBD et les extraits de chanvre ont le statut d’additifs pour l’alimentation animale. Conformément au règlement (CE) n°1831/2003, ces additifs sont soumis à une évaluation et à une autorisation préalable à leur mise sur le marché et à leur utilisation. A ce jour, aucun additif dérivé du chanvre n'a été autorisé.

    Par conséquent, il n’est actuellement pas permis de produire, de mettre sur le marché ou d’utiliser des aliments pour animaux consistant en du CBD ou des extraits de chanvre, ou en contenant.

  • Les produits cosmétiques sont soumis au règlement (CE) n°1223/2009. En vertu de l’article 3 de ce règlement, les produits cosmétiques mis sur le marché doivent être sans danger pour la santé humaine lorsqu'ils sont utilisés dans des conditions d'utilisation normales ou raisonnablement prévisibles.

    L’annexe II du règlement liste les substances interdites dans les produits cosmétiques, parmi lesquelles figurent les substances stupéfiantes, inscrites aux tableaux I et II de la Convention unique sur les stupéfiants de 1961. A la suite de la décision de la CJUE dans l’affaire Kanavape, la base de données européenne des ingrédients cosmétique autorisés (CosIng) a été modifiée en février 2021 pour y inclure le CBD pur.

    Des travaux concernant la sécurité du CBD, dont les résultats pourront avoir des répercussions sur les réglementations applicables dans le domaine des cosmétiques, sont lancés. La Commission européenne souhaite en effet mandater le comité scientifique pour la sécurité des consommateurs (CSSC) pour évaluer la sécurité du CBD et les niveaux acceptables de THC en tant que contaminant dans les produits cosmétiques (Appel aux données - 1er juin 2023).

    Par ailleurs, des travaux d’évaluation du CBD comme matière première, dans le cadre du règlement (CE) n°1272/2008 dit CLP, relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances et des mélanges, sont en cours (voir infra). 

  • Les produits du vapotage doivent respecter les dispositions du code de la consommation, concernant l’obligation générale de sécurité, et celles du code de la santé publique (consultables sur le site du ministère de l'économie et du ministère de la santé). Ce ne sont pas des médicaments.

    Les liquides et recharges en liquide de vapotage doivent en outre respecter les dispositions du règlement (CE) n°1272/2008 dit CLP, relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances et des mélanges. A cet égard, les autorités compétentes françaises sur les activités de classification et d’étiquetage harmonisés des substances chimiques ont inscrit au printemps 2023 dans le registre public des intentions une proposition relative au CBD (inscription au registre). Dans le cadre de ce règlement CLP, ce type de démarche vise à caractériser les propriétés d’une substance à des fins d’information claire des metteurs en marché ainsi que des consommateurs. La remise du dossier à l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) est prévue pour l’automne 2024. Il s’ensuivra une consultation publique puis un avis du Comité de l’évaluation des risques de l’ECHA sur une proposition de classification harmonisée du CBD. Ce processus scientifique ne préjuge pas des éventuelles conséquences en termes de dispositions de management de risques dans différents secteurs d’usage de la substance, en lien avec les réglementations correspondantes. 

    Enfin, le règlement (CE) n°1907/2006 (REACh) requiert que les substances chimiques fabriquées ou importées à plus d’une tonne par an en Europe soient enregistrées auprès de l’ECHA. Il appartient aux opérateurs de s’assurer que les fournisseurs de substances, utilisées par exemple pour des liquides de vapotage, se soient conformés à cette obligation. 

  • Les produits à fumer à base de plantes autre que le tabac sont soumis au respect des articles L.3514-1 à L.3514-5 et R.3514-1 et suivants du code de la santé publique pris en application de la directive européenne 2014/40 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes.

        Cette réglementation est applicable à tous les produits à base de végétaux, de plantes aromatiques ou de fruits, ne contenant pas de tabac et pouvant être consommés au moyen d'un processus de combustion. Les produits et leurs emballages sont soumis à des conditions strictes interdisant toute mention, logo, image ou marque promotionnelle, qui contribuent à leur promotion ou incite à leur consommation. Les unités de conditionnement et tous les emballages extérieurs doivent porter un avertissement sanitaire.

    Les fabricants et importateurs sont tenus de déclarer chaque produit et leur composition à l’Agence nationale de sécurité sanitaire des aliments, de l’environnement et du travail (Anses) avant leur mise sur le marché, selon les modalités du point d’entrée électronique commun de l’UE (PEC-UE / EU-CEG). L’Anses publie les informations relatives à ces déclarations sur son site : https://www.anses.fr/fr/content/les-produits-du-tabac-et-produits-connexes.

    Les dispositions applicables à tous les produits susceptibles d’être fumés sont prévues sous peine de sanction pénale.

    Conformément au droit national (article L. 314-3 du code des impositions sur les biens et services) et au droit européen, les produits à fumer sont, en principe, soumis à l’accise sur les tabacs même lorsqu’ils ne sont pas constitués de tabacs. Ils relèvent alors, selon leur forme (cigarettes, à rouler, à fumer) de la même fiscalité que les produits du tabac auxquels ils sont assimilés. Toutefois, le cadre fiscal existant n’a pas pu être concrètement mis en œuvre pour les produits à fumer contenant des cannabinoïdes car il repose sur le régime du monopole étatique de distribution du tabac, inadapté à ces nouveaux produits. Afin de remédier à cette difficulté, un régime d’obligations, de contrôle et de sanction spécifique aux produits à fumer contenant des cannabinoïdes pourra être mis en place sur les mêmes principes que ceux existant pour les tabacs manufacturés et les alcools.

    Les producteurs et distributeurs de ces produits ne font pour l'heure l'objet d'aucun agrément octroyé par la Direction générale des douanes et droits indirects.

    Les produits à fumer sont redevables de la TVA au taux normal de 20 % et non au taux des produits alimentaires. Certains produits présentés sous forme de tisane et de pot-pourri sont susceptibles d'être fumés en l'état et font l'objet d'une attention particulière pour éviter leur soustraction au taux normal de TVA.

  • Les produits contenant du CBD ne peuvent, sous peine de sanctions pénales, revendiquer des allégations thérapeutiques, à moins qu’ils n’aient été autorisés comme médicament par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) ou comme médicament vétérinaire par l’Agence nationale du médicament vétérinaire (Anses / ANMV) ou bien par la Commission européenne sur la base d’un dossier de demande d’autorisation de mise sur le marché, évalué selon des critères scientifiques de qualité, sécurité et efficacité. 

Focus sur la conduite automobile

Les traces de THC éventuellement présentes dans les produits contenant du CBD peuvent passer dans le sang ou la salive de leurs consommateurs. Un conducteur pourrait ainsi faire l’objet de prélèvement salivaire ou sanguin positif au THC alors même qu’il n’aurait consommé que des produits dont la commercialisation est autorisée.

L’article L.235-1 du code de la route ne prévoyant pas de seuil d’imprégnation pour caractériser l’infraction de conduite après avoir fait usage de stupéfiants, la seule constatation de trace de THC dans l’organisme d’un conducteur permet de la relever.

La chambre criminelle de la Cour de Cassation a confirmé cette interprétation des textes, dans un arrêt du 21 juin 2023, soulignant que « l'autorisation de commercialiser certains dérivés du cannabis, dont la teneur en delta9-tétrahydrocannabinol, substance elle-même classée comme stupéfiant, n'est pas supérieure à 0,30 %, est sans incidence sur l'incrimination de conduite après usage de stupéfiants, cette infraction étant constituée s'il est établi que le prévenu a conduit un véhicule après avoir fait usage d'une substance classée comme stupéfiant, peu important la dose absorbée ».

Dans deux décisions du 21 décembre 2023, le Conseil d’État juge de même que « si l’association requérante soutient, par la voie de l’exception, que l’arrêté du 22 février 1990 serait illégal en ce qu’il classe le cannabis comme stupéfiant sans opérer de distinction en fonction de la teneur en THC de ses différentes variétés, une telle argumentation est sans incidence sur la légalité de l’arrêté en litige du 13 décembre 2016 dès lors que celui-ci, au nombre des substances dont il prévoit la recherche, ne mentionne pas le cannabis mais uniquement le THC, d’ailleurs également mentionné par l’arrêté du 22 février 1990, dont il n’est pas contesté qu’il relève bien des substances stupéfiantes dont l’usage est visé par l’article L. 235-2 du code de la route ».

Les évolutions du statut juridique des produits contenant du CBD jusqu’à l’arrêt du Conseil d’Etat du 29 décembre 2022

  • Jusqu’à la fin de l’année 2020, les produits contenant du CBD étaient interdits en France, en tant qu’extraits du chanvre. Cette interdiction découlait des conventions internationales ainsi que des dispositions du code de la santé publique.

    Les conventions internationales classent toutes les fleurs de cannabis, quel que soit leur variété, parmi les stupéfiants :

    • L’article 1 de la Convention unique sur les stupéfiants de 1961 liste parmi les produits et plantes devant être qualifiés comme stupéfiants, le cannabis, défini comme les sommités florifères ou fructifères de la plante de cannabis dont la résine n’a pas été extraite, la résine de cannabis et les extraits et teintures de cannabis. Au point 2 de son article 28, la convention exclut de son régime répressif uniquement « la culture de la plante de cannabis exclusivement à des fins industrielles (fibres et graines) ou pour des buts horticulturaux ».
    • La Convention de 1971 sur les substances psychotropes, classe et impose le contrôle du tétrahydrocannabinol (THC).

    Ces conventions étaient interprétées comme imposant un cadre prohibitif pour toutes les fleurs de chanvre quelle que soit leur teneur en THC.

    En droit français, les articles L. 5132-86 et R. 5132-86 du CSP applicables aux activités réglementées en lien avec le cannabis et ses dérivés rappellent le principe de l’interdiction de la production, de la fabrication, du transport, de l’importation, de l’exportation, de la détention, de l’offre, de la cession, de l’acquisition ou de l’emploi :

    • du cannabis, de sa plante, de sa résine, des produits qui en contiennent ou de ceux qui sont obtenus à partir du cannabis de sa plante ou de sa résine ;
    • du THC.

    L’article R. 5132-86 II du CSP prévoit une exception à ce régime d’interdiction pour les besoins de la filière du chanvre traditionnel. Il dispose que « La culture, l'importation, l'exportation et l'utilisation industrielle et commerciale de variétés de cannabis dépourvues de propriétés stupéfiantes ou de produits contenant de telles variétés peuvent être autorisées, sur proposition du directeur général de l'agence, par arrêté des ministres chargés de l'agriculture, des douanes, de l'industrie et de la santé. »

    L’arrêté du 22 août 1990 pris en application de cet article prévoyait des conditions cumulatives à l’exploitation régulière du cannabis dans un cadre industriel et commercial, en n’autorisant que :

    • la culture, l’importation, l’exportation et l’utilisation industrielle et commerciale des fibres et graines de chanvre ;
    • les plantes issues de l’une des variétés de Cannabis sativa L prévues par l’arrêté  ;
    • les plantes contenant moins de 0,2% de THC. 

    La réglementation française interdisait ainsi les produits contenant du CBD, en tant qu’extrait du cannabis, dès lors qu’ils étaient obtenus à partir de fleurs de chanvre (ce qu’ils étaient toujours). 

  • Le 19 novembre 2020, saisie par la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence d’une question préjudicielle, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a considéré dans son arrêt C-663/18 dit « Kanavape » que la molécule de CBD contenue dans la plante de chanvre ne pouvait pas être qualifiée de stupéfiant quelle que soit la partie de la plante à partir de laquelle elle était extraite. Elle en a déduit que les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises à l’intérieur de l’Union (art. 34 et 36 TFUE) étaient applicables à ces produits et que l’interdiction de commercialisation dans un pays membre d’un produit contenant du CBD, produit légalement dans un autre pays de l’Union, était donc contraire au droit européen, sauf à ce qu’il soit démontré que cette interdiction était nécessaire pour protéger la santé publique et proportionnée.

  • Afin de mettre le droit français en conformité avec le droit européen, un nouvel arrêté portant application de l’article R. 5132-86 du CSP a été publié le 30 décembre 2021.

    Cet arrêté, abrogeant l’arrêté du 22 août 1990, a étendu le champ des exceptions à l’interdiction générale des produits issus du chanvre. Il a autorisé la culture, l’importation, l’exportation et l’utilisation industrielle du chanvre (ou Cannabis sativa L.) aux conditions cumulatives suivantes :

    • Conditions tenant à la plante : seules les variétés de Cannabis sativa L. inscrites au catalogue européen des variétés des espèces de plantes agricoles, à teneur de THC inférieure ou égale à 0,3 %, peuvent être cultivées. Seuls  des agriculteurs « actifs » au sens de la réglementation en vigueur sont autorisées à les cultiver. Ces agriculteurs doivent obligatoirement utiliser des semences certifiées.
    • Conditions tenant aux produits : 
      • Les fleurs et feuilles ne pouvaient être utilisées que pour la production industrielle d’extraits. En conséquence, la vente aux consommateurs, la détention et la consommation de fleurs et feuilles brutes étaient interdites. L'achat de fleurs et de feuilles de chanvre produites sur le territoire français fait l'objet d'un contrat écrit entre producteur et acheteur. Le contrat comporte des informations sur le volume et le prix des produits. Le contrat peut comporter des informations sur la qualité attendue des produits. Le contrat est conclu avant le début de la campagne de production.
      • Les extraits doivent présenter un taux de THC inférieur à 0,3%.

    La réglementation n’impose pas de déclaration, ni d’enregistrement préalable des parcelles cultivées. Une déclaration préalable auprès de la Direction départementale des territoires est néanmoins applicable aux producteurs de chanvre s’ils souhaitent bénéficier des aides de la politique agricole commune (PAC).

    L’arrêté ayant fait l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, le Conseil d’État a, dans un arrêt du 29 décembre 2022, annulé les dispositions visant à interdire la commercialisation de fleurs brutes et celles rendant la contractualisation obligatoire entre le producteur de chanvre et le premier acheteur (en italique ci-dessus).

Pour aller plus loin...

Article de l’Association américaine pour l’étude de la douleur (USASP) qui montre, selon les auteurs, que l’utilisation des produits à base de CBD contre la douleur est inefficace, coûteuse et peut comporter des risques. 

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